Contrairement à ce que pourrait laisser penser mon dernier article, nous n’avons pas fait que prendre l’apéro lors des 15 jours passés avec Papa et Maman en Australie.
Nous avons aussi roulé.
Beaucoup roulé.
Plus de 3500 km depuis Adélaïde, et à peu près 1500 km de ligne droite sur la Stuart Highway, dont le nom ne vous dit peut-être rien, mais qui pour nous est devenu une route mythique.
Beaucoup de route donc, mais quelle expérience ! Notre but était bien sûr d’atteindre Uluru, l’énigmatique centre rouge de l’Australie, mais une fois encore il s’est avéré que le voyage -au moins autant que la destination- fait bel et bien partie de l’aventure.
Je sais que les nombreuses photos ci-dessous ne pourront jamais être totalement fidèles à ce que nous avons vu de nos propres yeux, et je sais aussi que je vais avoir du mal à décrire les paysages extraordinaires qui ont été le décor de ce road trip exceptionnel. Nous en avons vraiment pris plein les yeux, et ceci à notre plus grande surprise car aucun de nous trois n’avait imaginé pouvoir être autant marqué par des paysages pourtant plats et parfois monotones… mais tellement beaux !
J’ai quitté les plages de la côte non sans un petit pincement au cœur, même si je savais que je les reverrais avant de quitter l’Australie…
.. mais toujours avec mon pansement qui pour le coup commençait à franchement m’agacer !
Nous nous sommes donc lancés à l’assaut de la fascinante Stuart Highway, une route qui traverse de part en part l’Australie, reliant Adélaïde à Darwin tout au nord, avec un embranchement tout à fait au centre, qui mène jusqu’à Uluru.
Une route fascinante à bien des égards :
- d’abord parce que c’est quasiment le seul endroit où on croise les « road trains », ces monstres roulants à 3 remorques gigantesques, qui filent à toute allure et qu’il est quasi impossible de doubler
Autant dire qu’avec le camping-car nous étions proches d'un remake de la pub Volkswagen Sharen ("-Bon les enfants s'il vous plaît derrière un peu de calme, papa va doubler -Papa il peut pas, papa il peut pas, papa il peut pas! - Ah non mais attendez si c'est comme ça papa il a plus envie de double hein! Papa il doublera plus de la journée si il faut hein!")
- aussi parce qu’avec une moyenne de 3 à 4 autres véhicules croisé par jour (j’exagère à peine), on a vraiment l’impression de vivre une expérience unique : la plupart des touristes qui se rendent à Uluru atterrissent à Alice Springs et bien peu ont le courage (ou la folie ?) d’emprunter la portion sud de la Stuart Highway
- une route bien entretenue, mais sur laquelle il faut souvent rouler jusqu’à 100 ou 150 km avant de trouver de l’essence ou de l’eau
- ambiance Bagdad Café garantie pour ces stations-service perdues au milieu de nulle part et dans lesquelles on trouve un peu de tout : essence bien sûr, mais aussi victuailles en tout genre (c’est le seul commerce pour les habitants du bush qui parcourent des dizaines de kilomètres de piste sans trouver âme qui vive), permanence médicale une fois par mois (!) assurée par les célèbres flying doctors qui parcourent le bush à bord de petits avions depuis les débuts de l’aéronautique, ou encore relais postal
- une nature intacte puisque cette partie désertique de l’Australie a été restituée aux aborigènes et reste pour eux une terre sacrée
- des aires de repos nombreuses, mais plus que rudimentaires : un bout de piste non asphalté, avec généralement une poubelle et une ou deux tables en plein cagnard (39°C en plein soleil), et dans le meilleur des cas une réserve d’eau de pluie, dont il était indiqué que la consommation était à nos risques et périls… à peu près au frais dans notre camping car même si la clim à fond n’était pas d’une grande aide, les arrêts réguliers sur ces aires nous faisaient prendre toute la mesure de l’hostilité du climat dans ces contrées reculées
- des campings isolés, simples, parfois presque désolés vu l’aridité des contrées traversées, mais toujours accueillants (si si je vous assure)
même s’il ne fallait pas se louper dans le choix de nos étapes, entre le niveau d’essence à gérer vu l'espacement des stations services, l’atlas sur lequel figurait l’emplacement des campings mais qui n’était pas toujours à jour (campings inexistants ou fermés)
et bien sûr la nuit qui tombait vite en pendant laquelle nous évitions de rouler pour ne pas risquer de percuter les kangourous imprudents (on en voyait tous les jours des dizaines renversés sur le bas côté)
- et bien sûr les paysages ! Avec toujours 5 couleurs dominantes en toile de fond de nos journées (et donc de toutes les photos !) : le bleu du ciel, le blanc des nuages qui apparaissaient invariablement en milieu de journée (des nuages tout droit sortis des dessins animés pour enfants : bien blancs, parfaitement dessinés, aux contours arrondis, et qui donnaient vie à ce ciel profondément bleu), le vert de la végétation (adaptée au climat mais bien présente), le rouge de la terre (de plus en plus intense à mesure qu’on approchait du centre), et le gris de l’asphalte qui défilait sous nos roues.
- des paysages semblables, mais dont la végétation variait en réalité au fur et à mesure que l’on avançait
Comme hypnotisés par ces paysages (d’ailleurs souvent proches de l’image que je me fais de la savane africaine, à tort ou à raison… il faudra que j’aille vérifier cela un de ces jours), nous ne nous ennuyions pas sur ces lignes droites pourtant interminables (Papa a calculé une fois plus de 11 km sans le moindre semblant de courbe)
Et c’est sympa d’avoir la vue depuis sa fenêtre de cuisine qui change constamment !
- et dans ce décor insolite, on croise des personnages insolites, comme les quelques fous furieux qui avaient décidé de rouler à vélo d’Adélaïde à Darwin… c’est plus de 3000 km !!! (entres autres une Allemande, et quelques centaines de kilomètres plus loin un Espagnol), ou encore cette femme qui marchait le long de cette route (absolument déserte je le rappelle) avec sa valise à roulette et son parapluie
des choses insolites, comme cette fusée, triste reste des essais de tirs effectués dans la région
ou bien cette voiture, remorquée par un camping car !
Plus tard en Nouvelle Zélande j’aurai l’occasion de revoir cette pratique étrange, et elle prendra alors tout son sens : quand on voyage avec une véritable maison sur roues, il est agréable de pouvoir laisser sa maison et se déplacer avec moins de 5 tonnes quand on arrive dans une ville par exemple.
L’une des grandes surprises (ou hallucination ??) de ce trajet a aussi été la ville de Cooper Pedy, célèbre -dans la région du moins, enfin à 100km à la ronde… c'est à dire jusqu’à la station service la plus proche- pour ses mines d’opale.
En synthèse : « du grand n’importe quoi au milieu de nulle part », une description maison qui s’est imposée d’elle-même alors que nous commencions à la visiter.
En effet, dans cette ville (si l’on peut l’appeler ainsi car il n’y a que quelques rues dont seulement une ou deux goudronnées),
qui est absolument perdue dans le désert australien, et avec rien à littéralement des centaines de kilomètres à la ronde, tout ou presque tourne autour de l’industrie minière :
- le sol de la région est un vrai gruyère : les machines creusent sans cesse à la recherche de la richesse locale, ce qui produit des millions de monticules visibles à perte de vue
- la ville elle-même a été fondée sur les carrières… et la grande spécialité architecturale est la construction troglodyte ! Et ça marche pour tout : des maisons, des hostels et même une église entièrement creusée dans la roche !
L’avantage : une garantie de fraicheur même par 35°C (quand le soleil ce couche… je vous laisse imaginer la fournaise en pleine journée !)
Au-delà de l’opale, deux autres caractéristiques étonnantes dans cette ville perdue dans le désert :
- les restes des tournages de science fiction des années 70-80, avec de vieux vaisseaux en carton pâte (ou en fer et en bois !!) qui sont exposées fièrement… ou sont laissées à l’abandon depuis des décennies, tout dépend de la façon dont on voit les choses
- car la deuxième caractéristique de cette ville, sans doute liée à son isolement, est qu’elle est truffée de vieux objets justement laissés à l’abandon, comme par exemple des carcasses de vieilles voitures !
Enorme séance de fou rire, peut-être un peu liée à la fatigue, mais aussi surtout liée au sentiment de se retrouver tout à coup dans une sorte de monde parallèle, dont je me demande encore s’il existe vraiment…
Quoi qu’il en soit cela ne nous a pas empêché de savourer un fabuleux coucher de soleil sur le désert, avec le combo gagnant bière + chips (je précise que Maman a planqué sa bière sur la photo). Au passage, les piqûres de bed begs sont toujours là, mais plus le pansement !!
Peu après nous avons bifurqué plein ouest, en direction d’Uluru (qui était appelé il y a quelques années encore l’Ayers Rock, mais dont le nom aborigène est désormais respectueusement utilisé). La terre a commencé à devenir sableuse et rouge, comme dans le bouquin sur l’Australie qui nourrit mes rêves depuis plus de 10 ans…
et enfin nous l’avons aperçu au loin !
La chaleur était à peine supportable, le soleil nous brulait la peau, mais peu importe, nous y étions !!
Nous avons tout d’abord tenté de nous rafraîchir un peu dans les Olgas, magnifiques formations rocheuses aux teintes proches de celle d’Uluru,
et ce fut un bon prélude avant d’accéder au clou du spectacle : le coucher du soleil.
Après avoir trouvé le spot idéal, à l’écart des autres touristes -seul un charmant espagnol qui voyageait en vélo nous a rejoint pour partager ce moment unique-, nous avons ouvert grand les yeux et aprrécié : le soleil se couchait dans notre dos, mais le spectacle était bel et bien face à nous !
Voir Uluru changer de teinte de minute en minute se raconte difficilement malheureusement… Et je suis à court de superlatifs !
Puis le lendemain, réveil aux aurores pour le lever du soleil, absolument magique.
Nous avons choisi de revenir au même endroit que la veille au soir, alors que nos guides touristiques conseillaient de changer de lieu pour avoir une nouvelle perspective.
Mais nous savions que nous allions de toute façon contourner le rocher plus tard et que nous aurions tout loisir de l’observer sous toutes les coutures.
Et nous voulions aussi revenir précisément au même endroit pour voir les changements de couleur entre l’aube et le crépuscule.
Et comme nous avons bien fait !!
Déjà il semblait que nous ayons été les seuls à faire ce calcul : alors que nous pensions nous retrouver sur un parking rempli de touristes, nous nous sommes retrouvés seuls au monde, à installer la table du petit déjeuner dans la nuit, à la lueur de la frontale.
Et quel spectacle ! Un moment magique où nous avons vu le ciel se métamorphoser, les étoiles disparaitre, pour faire place d’abord à une ombre imprécise, puis à la forme bien dessinée du rocher, et enfin à une lumière qui allait se développer, se réchauffer de minute en minute pour finalement laisser apparaitre le soleil, pile derrière Uluru. Un moment unique, et le petit déjeuner le plus incroyable de mon aventure (so far !)
Avec le soleil sont arrivées les mouches, ravies de nous tourner autour et ayant pour unique but de s’infiltrer dans nos bouches et de se poser sur nos paupières… c’était juste après qu’une colonie de fourmis ait envahi chaque centimètre carré de notre table, de nos chaises et bientôt de nos jambes. Hostile je disais…
Puis nous nous sommes approchés de ce gros rocher de quand même 350m de haut et environ 3 km x 2 km !
Nous avons choisi d’en faire le tour et de ne pas en faire l’ascension : celle-ci est permise, et même encadrée, mais en même temps il est demandé de ne pas le faire ! Drôle de façon de gérer la chose, mais toujours est-il que pour les aborigènes c’est un lieu sacré et que nous avons préféré respecter cela, même si je ne doute pas que la vue du désert doit être assez grandiose de là-haut!
Le tour du monolithe fait près de 9,5 km, et par endroit il est interdit de prendre des photos, toujours parce qu’il s’agit d’un lieu éminemment sacré pour les aborigènes. Mais finalement ce n’est pas plus mal car cela permet de vraiment observer et d’emmagasiner les images dans sa mémoire, chose que l’on occulte un peu quand on est concentré sur la recherche de la meilleure perspective pour prendre des tonnes de photos. Et je sais de quoi je parle, je suis la première à le faire !
Mais bon on ne s’emballe pas, j’ai quand même pas mal mitraillé et par endroit on pouvait même toucher la roche, alors nous ne nous en sommes pas privés. C’était Uluru quand même !
Au début la lumière était un peu écrasante avec le soleil de face,
mais après l’avoir contourné, il apparaissait encore plus majestueux. Avec toujours ce ciel bleu et ces arbres verdoyants : il pleut fréquemment en fin d’après midi (d’où les nuages qui se forment chaque jour, ou inversement).
La fin de notre périple nous a menés à Alice Springs, bien étrange ville un peu perdue au milieu de ce continent et qui semble loin de tout, et pour nous difficile d'accès vu le chemin parcouru!
J’en avais rêvé aussi, mais ce n’était pas vraiment ce à quoi je m’attendais.
Des rues plutôt vides, pas grand-chose à faire dans cette ville devenue quasi exclusivement le point de départ des excursions vers le Red Center.
Mais l’occasion de déguster un bon steak dans un resto (après 15 jours de repas maison dans le camping-car)
et quand même aussi, même si c’est moins plaisant, de voir de plus près le problème d’intégration des aborigènes, dont les ancêtres ont été privés de leurs terres, mais qui sont toujours bel et bien présents dans cette région.
Certes la bonne volonté est là
mais la réalité est que la communauté aborigène est, à Alice Springs tout particulièrement, complètement en marge de la société. Les aborigènes vivent dans la ville mais ils passent leurs journées à littéralement errer sans vraiment savoir où aller, leurs vêtements ne sont pas en lambeaux mais presque, ils sont souvent pieds nus, souffrent pour la plupart d’obésité et les pensions qu’ils perçoivent du gouvernement semblent passer quasi intégralement dans l’alcool qu’ils boivent à toute heure du jour et de la nuit dans les parcs et sur les bancs. Ceci-dit, contrairement à tout ce qu’on avait pu nous dire, nous n’avons fait l’objet d’aucune agression verbale ou physique, et j’ai plutôt eu l’impression qu’ils étaient habitués aux touristes et n’en avaient que faire.
J’avais déjà été confrontée à cette marginalisation à Cairns, mais dans une bien moindre mesure.
J’imagine que l’Australie fait face à un vrai dilemme de société et loin de moi l’idée de vouloir lancer sur ce blog un débat sur l’intégration, mais il reste qu’en tant que touriste, je n’ai pu m’empêcher de relever cet état de fait et, humainement parlant, de trouver cela assez triste.
Prochain article : Perth et la côte Sud Ouest !