Difficile de vous tenir en haleine après le Huayna Potosi, mais les jours qui ont suivi, bien que différents, ont été pour moi un vrai enchantement. Une fois de plus.
Après toutes ces émotions et ces longues heures de sommeil ininterrompu (plutôt rare cette année, dortoirs oblige…) je me suis sentie comme régénérée, prête à abattre des montagnes -sans mauvais jeu de mot- et à continuer à apprécier encore et toujours cette aventure incroyable… incroyable de par toutes ces expériences et rencontres qui nourrissent mon quotidien, mais aussi incroyable de par sa durée.
Direction donc Sorata, un petit village pittoresque au cœur des « Alpes Suisses » de la Bolivie. Pour une fois, ce n’est pas le Lonely Planet qui m’a soufflé cette formule : les auteurs sont généralement friands des analogies du type « le petit Paris de… la Mongolie, la Sibérie, du Vietnam, etc, etc », ou encore le « San Francisco de la Nouvelle Zélande ». C’est juste qu’après les paysages arides et tellement différents vus jusqu’ici, ces montagnes verdoyantes ont été une agréable surprise.
J’ai rencontré dans le bus Elizabeth et Sylvain, un couple de belges avec qui le contact est passé instantanément. Et c’est le plus naturellement du monde que nous avons passé la fin de journée ensemble, autour d’un apéro vin et fromage local sur la place du village, avant de décider de partir en randonnée le lendemain.
Et quel bonheur après l’agitation des villes et des zones ultra touristiques de se retrouver dans un tout petit village, composé d’une place principale et de quelques rues, sans l’ombre de stands de vêtements souvenirs
et avec un minuscule marché dans lequel j’ai pu enfin goûter à l’api : du maïs violet (oui, oui, violet) bouilli, puis passé, sucré, et épicé à la cannelle et aux clous de girofle, avec une pointe de citron vert… une boisson chaude ultra énergétique et un vrai concentré d’insuline pour bien démarrer la journée ! sans compter les buñuelos, une sorte de pâte à beignet frite puis recouverte de miel. Un pur délice, une vraie spécialité locale, et pas l’ombre d’un gringo dans ce lieu où, comme souvent en Bolivie, le temps semblait d’être arrêté il y a 100 ans ou presque.
Le lendemain, encore bourrée d’énergie j’ai attaqué avec Elizabeth et Sylvain (qui sont de grands marcheurs) une ballade d’une exceptionnelle beauté, avec comme objectif le lac Chilata à 4200m, réputé difficile à atteindre sans l’aide d’un guide. Non pas que l’ascension soit difficile -bien que le dénivelé soit de plus de 1500 mètres- mais parce qu’il n’y a pas de balises et qu’il existe une multitude de chemins pour atteindre le sommet.
Sans grande surprise, cette randonnée qui devait durer près de 7h selon le bouquin (donc réalistement à peine plus de 6h) nous a pris quasiment 9h, dont plus de 6h30 de montée coriace… dans des chemins tous plus beaux les uns que les autres, mais particulièrement raides et surtout nous faisant à chaque fois faire des détours dont nous n’avions alors pas conscience.
Mais avec sur notre route, des dizaines de villageois des environs, paysans ou bergers, qui à chaque fois nous permettaient de nous repérer et nous remettaient sur le bon chemin.
Même si nous n’avons jamais trouvé le lac (!), nous avons passé une journée exceptionnelle, prenant le temps de faire quelques pauses quand même pour apprécier la beauté des paysages, reprendre quelques forces et respirer l’air pur des montagnes boliviennes.
De Sorata, j’avais décidé de rejoindre directement Copacabana, sur les bords du Lac Titicaca, sans repasser par La Paz. Car en Bolivie tout est toujours possible : il y a toujours un bus qui peut nous laisser à un embranchement où on peut en récupérer un autre. Et c’est vrai… seulement ce que ne disent pas les locaux c’est combien de temps cela va prendre !
C’est ainsi qu’après un de ces mini bus avec des locaux et de la musique traditionnelle à fond dans les enceintes (j'adore !!)
je me suis retrouvée sur une sorte d’embranchement entre deux routes nationales, à attendre qu’un bus veuille bien de moi. Car des bus il y en avait pas mal, mais soit ils n’allaient pas jusqu’à Copacabana, soient ils me faisaient signe qu’ils étaient complets. Un minibus toutes les 10 minutes environ, et un bus par heure.
Non pas que la vue n’était pas agréable, bien au contraire, avec quelques locaux qui venaient discuter avec moi, intrigués de me voir seule avec mon sac...
... mais au bout de plus de deux heures d’attente, avec un vent froid qui s’est mis à souffler (en même temps, l’avantage de porter sa maison sur son dos, est qu’on a des vêtements pour tous les temps toujours à portée de main) j’ai décidé que le prochain bus serait le mien quoi qu’il arrive.
Je me suis donc mise en plein milieu de la route et la chauffeur a compris que j’étais bien décidée à embarquer. Entre temps quelques personnes s’étaient jointes à moi, et le temps de monter mon sac sur le toit (oui, ce bus n’avais pas de soute…), il n’y avait plus de place assise pour moi. Qu’à cela ne tienne, j’en ai vu d’autres, je me suis donc tout simplement assise dans l’allée et me suis mise à bouquiner comme si de rien était, sous le regard amusé des boliviens. En même temps eux-aussi ils en ont vu d’autres.
Une fois à Copacabana j’ai pu enfin approcher ce lac mythique… même si l’image que j’avais en tête (le lac, et au loin les montagnes) n’allait se concrétiser que plus tard, une fois sur l’Isla del Sol.
En attendant, même si j’ai fait abstraction du coté hyper touristique des rues (boutique de souvenirs sur boutique de souvenirs, c'est-à-dire panoplie complète de tous les vêtements et accessoires possibles et imaginables en alpaca, restaurants avec menus en anglais, et bien sûr toujours plus de gringos en chaussures de rando et pantalons de trecking), après le paisible pueblito de Sorata, le choc a été dur à encaisser.
Mais en même temps, les bâtiments sont une fois de plus incroyables sous ce ciel éternellement bleu,
et il suffit de se tourner face au lac pour apprécier une fin de journée paisible…
Et puis c’est aussi à Copacabana que j’ai retrouvé Miranda, australienne vivant à Londres et pour 5 mois en Amérique du Sud. Je l’avais croisée plusieurs fois, d’abord à Sucre puis à La Paz, mais c’est au lac Titicaca que notre grande amitié a débuté. Et oui, quand on voyage pendant un an on s’attache à beaucoup de gens… mais certains comptent encore plus que d’autres.
Ensemble nous avons (re)découvert la sopa a la criola, une des nombreuses soupes qu’on trouve à tous les repas
et puis nous avons commencé à apprivoiser le lac en nous baladant sur ses rives, l’occasion de voir encore et toujours la vie presque archaïque des boliviens : lavage de linge dans le lac, travaux dans les champs…
et d’admirer la vue de la ville depuis les hauteurs environnantes.
Un petit moment de magie plus tard (parfois la lumière, le temps d’un instant, est incroyable)
et une fois de plus (ça va plaire à ma Maëlle d’amour) j’ai pu me délecter d’un coucher de soleil, depuis le haut d’une des deux collines entre lesquelles est nichée Copacabana. Je n’étais pas la seule, mais il faut dire que voir le soleil se coucher sur le Lac Titicaca, ça n’arrive pas tous les jours.
Avec bien sûr une superbe vue sur la ville qui commençait à s’éclairer et la belle lumière du crépuscule sur la colline.
Après un bon petit déjeuner traditionnel au marché (pas d’api pour moi car je ne suis pas très fan, mais beaucoup de buñuelos !!)
nous avons pris le bateau, pour une traversée de quelques heures à destination de l’Isla del Sol, l’île sur laquelle est né le soleil, d’après les Incas. Encore une fois, un lieu hautement symbolique et mythique.
Et là quelle surprise de trouver des eaux incroyablement transparentes et des plages !
Dommage que l’hiver ait déjà commencé, car s’il avait fait un peu plus chaud une baignade se serait imposée !
Ah, et bien sûr, en arrière plan, les fameuses montagnes que je m’étais toujours imaginées !
Pas question de passer à côté des fameuses truites du lac, même si l’histoire ne dira jamais si c’est ce qui a provoqué mon intoxication alimentaire. Mais je reviendrai sur ce nouvel épisode médical un peu plus tard…
Pourtant on avait l’air toutes contentes en attaquant notre repas !
En même temps ces cochons sur la plage, je ne suis pas sûre non plus que ce soit ce qu’il y a de plus hygiénique quand on voyage et qu’on ne peut pas toujours se laver les mains ;)
Nous nous sommes basées au nord de l’île, où nous avons donc profité de la plage et de ses gras habitants,
et sommes allées, à une petite heure de marche, visiter les ruines incas de l’île.
Puis, une fois encore, nous en avons pris plein les yeux avec un coucher de soleil magique, en haut d’une colline parsemée de cairns et autres monticules de pierres…
un petit côté mystique, auquel s’est ajoutée petit à petit une lumière douce et dorée.
Encore une de ces moments d’éternité…
avant de voir apparaître les premières étoiles à l’horizon.
Après une nuit un peu mouvementée pour ma part (les prémices de l’intoxication alimentaire), mais absolument pas glaciale contrairement à ce que tout le monde nous avait dit,
nous nous sommes mise en route pour la traversée de l’île, une petite marche de 3 heures et quelques, avant de retourner sur Copacabana.
3h ce n’est vraiment rien, sauf que lorsqu’on se tord de douleur et que son ventre n’en fait qu’à sa tête, ça devient un peu plus périlleux.
Je ne le savais pas encore, mais même en me sentant faible et en ayant l’impression de ne pas pouvoir mettre un pied devant l’autre (d’autant que pour rappel nous étions toujours à 3800m d’altitude !) j’étais en grande forme par rapport aux heures et aux jours qui allaient suivre.
Cela ne m’a quand même pas empêchée de remarquer ce Popples en train de sécher au soleil sur une jupe de cholita, et dont la ressemblance avec le « Poppy » de mon enfance était frappante,
et de photographier ce cochon assez majestueux dans son genre, faisant le guet sur son promontoire.
Et puis mon allure d’escargot m’a permis d’apprécier la beauté du site, même si franchement le cœur (enfin l’estomac) n’y était pas vraiment.
Mais si je n’avais pas été malade, nous serions parties beaucoup plus tôt le matin, nous aurions marché plus vite, et nous n’aurions jamais fait une très belle rencontre : Alex, qui nous a rattrapées au début de la ballade et avec qui nous avons passé le reste de la journée.
Au retour à Copacabana, il était clair que je n’avais pas seulement des petits ennuis de digestion… c’est terrée au fond de mon lit que j’ai passé les deux journées suivantes, la moindre expédition à la pharmacie étant une vraie épreuve, et ne pouvant plus rien avaler.
Je commençais à fondre à vue d’œil et, chose que je n’aurais jamais imaginé encore quelques semaines plus tôt vu la tournure qu’avait pris ma courbe de poids depuis le début de mon voyage, j’ai du faire un trou supplémentaire à ma ceinture pour pouvoir continuer à porter un pantalon qui seulement quelques jours plus tôt me serrait un peu...
Heureusement Miranda a veillé sur moi, et une fois n'est pas coutume nous avions une chambre privée : plus sympa qu'un dortoir quand on perd sa dignité!
Et lors d’une des mes expéditions en quête de médicaments j’ai pu assister à la curiosité locale : la bénédiction des voitures. Des fleurs, une bouteille de mousseux et c’est parti pour la bénédiction des roues, du moteur, etc… encore une des ces petites « bolivianeries » que j’aime tant.
Prochain article : Arequipa et le Colca Canyon !